« Grâce à la rencontre de personnes victimes, les évêques ont pris conscience que l’enfant ou le jeune avait subi un traumatisme qu’il ne pourrait surmonter qu’au prix de grandes souffrances », déclarait, samedi 9 novembre, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France (CEF). Une nouvelle prise de conscience, dans ce dossier douloureux des abus sexuels commis par les clercs, dossier une fois encore au programme de l’Assemblée plénière des évêques, qui s’est tenue à Lourdes du 5 au 10 novembre.

L’éprouvant travail de la Commission Sauvé sur les abus sexuels dans l’Église

L’an dernier, l’épiscopat avait décidé la création d’une Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase). Son président Jean-Marc Sauvé a présenté jeudi un bilan d’étape aux évêques : en quelques mois, 2 800 témoignages de victimes ont été collectés. « Nous découvrons beaucoup de douleurs et de souffrances, beaucoup de vies abîmées. », a-t-il confié.

Ni indemnisation, ni réparation

Le constat ne suffit plus. Avant même le rapport final de la Ciase, d’ici le printemps 2021, l’assemblée des évêques a voulu prendre de nouvelles initiatives pour « renouer avec les victimes », selon les mots de Mgr de Moulins-Beaufort, très investi sur ce dossier. S’il y a une réflexion sur l’accompagnement des coupables ou la prévention, c’est la question d’une « somme » versée aux victimes qui a été au cœur de débats menés à huis clos.

Les évêques de France veulent « renouer avec les victimes » d’abus sexuels

Après des questions sémantiques sur l’intitulé, le principe d’un « forfait » unique a été adopté samedi, à la majorité des deux tiers. Toutefois, les évêques n’étaient pas encore en mesure d’en fixer le montant, ce qui devrait être inscrit au programme de la prochaine assemblée, au printemps.

« Ni indemnisation, ni réparation », cette somme « vise à reconnaître que la souffrance des personnes victimes tient aussi des manquements d’ordres divers de l’Église », a expliqué le président de la CEF à la presse. Avant de revenir sur ce sujet, dans son discours de clôture, dimanche matin : « Les victimes souffrent des actes subis, mais aussi du silence, de la cécité, de l’aveuglement qui a pu parfois être volontaire, y compris dans la sphère ecclésiale et de la part des autorités de l’Église. »

« Une démarche a minima »

« Je suis sidéré, les évêques ne prennent toujours pas la mesure des blessures, réagit François Devaux, président de l’association de victimes La Parole libérée. Ils ne parlent toujours pas de responsabilité de l’Église. »

Si le versement d’un forfait apparaît à d’autres comme un symbole de réparation, « c’est dans la mesure où l’Église reconnaîtra sa responsabilité dans ce qui s’est passé que va pouvoir s’engager la réparation des victimes, avant la réparation de l’Église », estime Véronique Garnier, membre du collectif de victimes « Foi et résilience », qui a été entendue par les évêques. Pour Olivier Savignac, présent à Lourdes l’an dernier, ce forfait « est une démarche ”a minima du minima”, qui veut anticiper le tsunami du rapport Sauvé ».

Un fonds spécifique

Mgr de Moulins-Beaufort a précisé qu’une fois les éléments pratiques fixés, le dispositif de reconnaissance des causes de la souffrance sera mis en œuvre par chaque évêque chargé de renouer avec les victimes connues dans son diocèse. Pourront percevoir ce forfait celles pour qui les faits sont prescrits, ainsi que celles qui attendent encore une décision de la justice pénale, une fois la procédure achevée.

Abus sexuels : comment l’Église va financer le « forfait de reconnaissance de la souffrance »

Restent des questions pécuniaires, abordées mais encore en suspens. Qui va payer ? Quel sera le montant du forfait ? Selon toute vraisemblance, il devrait s’élever à quelques milliers d’euros, mais la question n’est pas encore tranchée. Sans savoir combien il y a de victimes ni quel sera le montant du forfait, il est difficile d’évaluer l’importance du fonds spécial destiné à ces versements qu’il faudra constituer.

Une démarche volontaire

L’Église a déjà inscrit à son budget une somme de 5 millions d’euros pour le fonctionnement de la Ciase et les opérations de prévention. Mais le fonds pour les victimes sera isolé du budget de l’institution et du Denier de l’Église. En fait, a annoncé le président de la CEF, le fonds spécifique du forfait de la souffrance devra être directement abondé par les évêques, les prêtres, les coupables encore vivants « et les fidèles qui voudront bien nous aider, a précisé Mgr de Moulins-Beaufort. Ce sera une démarche volontaire des donateurs ».

Dans les prochains mois, le groupe de travail présidé par Mgr Pascal Delannoy, évêque de Saint-Denis, et auquel participent plusieurs victimes, devra établir les éléments financiers et la procédure d’attribution du forfait unique. Dans le même temps, la commission Sauvé poursuivra son travail de recensement et d’écoute des victimes.

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